Résumé : Dans une perspective (socio)linguistique éthique, cette contribution décrit l’intégration de parcelles de la pensée d’Arendt liées à sa trajectoire langagière dans un enseignement de master en français langue étrangère (FLE). L’auteure soutient que dans ce contexte, (faire) lire Arendt est une ressource pour mettre en lumière l’importance (1) de l’accompagnement de l’autonomie et de la préservation de la dignité des voix singulières, (2) de leur mise en conversation collective dans le respect de leur pluralité, ainsi que (3) du souci du développement d’une « confiance langagière » (Bénit 2000 : 131), trois paramètres fondamentaux dans le processus de résistance aux insécurités sociales et linguistique. Restituant une séquence didactique exploratoire, elle évoque centralement la lecture de « Seule demeure la langue maternelle », version publiée de l’interview d’Arendt réalisée par Günter Gaus en 1964, thématisant notamment l’exil forcé ainsi que le plurilinguisme qui en a découlé ; elle argue qu’il s’agit d’un support inspirant pour mettre en discussion complémentairement théorique et introspective la place de la langue maternelle, les fonctions identitaire et solidaire des langues, le sentiment d’appartenance ou encore (la crainte de) l’attrition. Elle avance par ailleurs que considérer, en didactique des langues-cultures, la définition arendtienne de la notion d’action dans son lien avec celle d’« amour du monde » invite à ressaisir la perspective « actionnelle » en perspective « attentionnelle ».
Mots-clés : Didactique du FLE, perspective actionnelle, éthiques du care, appartenance, identification, plurilinguisme, action, amour du monde, attrition.
Have Hannah Arendt read in a french language course
to think an attentional didactics of languages-cultures
Abstract : From a (socio)linguistic ethical perspective, this contribution describes the integration of elements of Arendt’s thought related to her linguistic trajectory into a master’s teaching program in French as a foreign language (FLE). The author argues that in this context, reading Arendt is a resource for highlighting the importance of (1) fostering autonomy and preserving the dignity of individual voices, (2) engaging them in collective conversation while respecting their plurality, and (3) nurturing the development of « language confidence » (Bénit 2000 : 131), three fundamental parameters in the process of resisting social and linguistic insecurities. Presenting an exploratory didactic sequence, she centrally discusses the reading of « Only the Mother Tongue Remains », the published version of Arendt’s interview conducted by Günter Gaus in 1964, thematizing forced exile and the resulting plurilingualism. She argues that it serves as an inspiring support for complementary theoretical and introspective discussion on the role of the mother tongue, the identity and solidarity functions of languages, the sense of belonging, and the (fear of) attrition. Furthermore, she advances that considering Arendt’s definition of the concept of action in language-culture didactics – in its connection with the notion of « love of the world » – invites a reevaluation of the « action-oriented » perspective as an « attention-oriented » perspective.
Key-words : Teaching French as a Foreign Language, action-oriented perspective, ethics of care, Arendt, plurilingualism, attrition.