Appel à contributions pour le numéro thématique 79 (février 2027)
Les médecins éducateurs
Johann-Günther EGGINGER
CREHS (UR 4027)
Université d’Artois
&
Laurent GUTIERREZ
CREF (UR 1589)
Université Paris Nanterre
Le numéro 79 de Spirale entend présenter le parcours de médecins francophones qui ont investi les questions d’éducation depuis la fin du XIXe siècle. L’évolution des soins et des règles de l’hygiène apportés aux enfants, ainsi que les grandes découvertes en physiologie, ont conduit certains d’entre eux à proposer des manuels et autres méthodes d’éducation confirmant que l’histoire de l’éducation et celle de la médecine étaient étroitement liées.
Aux XVIIIe et XIXe siècles surtout, l’idée selon laquelle il convient de porter une attention toute particulière au développement de l’enfant pour l’accompagner au mieux dans ses apprentissages fait son chemin. Parmi les hommes et les femmes engagés dans cet apostolat pédagogique, nombreux sont les médecins, aliénistes notamment, qui deviennent célèbres pour porter leur attention aux enfants « arriérés » ou « anormaux » pour reprendre la terminologie de cette époque. Les sourds-muets et les déficients mentaux constituent les premières cohortes de ces enfants livrés aux tests et autres expérimentations pédagogiques. Nous pouvons, ici, citer Philippe Pinel (Postel, 1979), Jean Itard (Bousquet, 1840) et Désiré Bourneville (Jeanne, 2007).
À la fin du XIXe siècle, l’idée d’une instruction publique pour tous, chère aux républicains, est reprise par de nombreux médecins et psychologues (Ottavi, 2001) qui rappellent que l’essentiel de l’éducation doit partir des centres intérêts de l’enfant (Claparède, 1905). L’apport de ces « médecins éducateurs » à une « Éducation nouvelle » qui prend forme, en ce début du XXe siècle, n’est plus à démontrer (Medici, 1940). Les études consacrées à Édouard Séguin (Pelicier & Thuillier, 1980), Ovide Decroly (Wagnon, 2013) et Maria Montessori (Kayser, 2012) le confirment nettement.
Par la suite, nombreux seront ces médecins qui se feront pédagogues (Kohout-Diaz, 2018) à l’instar d’Étienne de Greef (1948), Myriam David (1956), Germaine Montreuil-Straus (1959), Clément Launay (1959), Benjamin Spock (1959), Gilbert Robin (1961), Emmi Pikler (Szanto-Féder, 2012) ou Françoise Dolto (1977, 1978, 1979). Plus proches de nous, nous pouvons encore citer, sans que cette liste soit exhaustive, Colette Chiland (1989), Aldo Naouri (1993), Catherine Dolto (1989), René Frydman (2007) ou Marcel Rufo (2006, 2018). Enfin, citées sur éduscol (le portail national d’information et d’accompagnement des professionnels de l’éducation), les recherches de Catherine Guegen nous invitent aujourd’hui à repenser l’éducation (des enfants) à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau (2017) et notamment grâce aux neurosciences affectives (2015).
Dans cette perspective, plusieurs questions se posent : pour quelles raisons ces médecins ont investi le champ de l’éducation ? Quelles méthodes prônent-ils ? Quelles approches et références didactiques mobilisent-ils dans l’élaboration de leurs préconisations ? Quelle importance accorde-t-il, selon leur spécialité, à la relation parent-enfant / parent-adolescent ? Quelle place revendiquent-ils ? Quel(s) rôle(s) estiment-ils avoir dans la prise en charge des différents troubles que présentent depuis ces dernières années les élèves en difficulté/échec scolaire ?
Ce numéro de Spirale souhaite interroger les intentions sous-jacentes à ces différentes formes d’engagement pour la cause infantile tout en questionnant la nature des propositions qui les ont accompagnées aux époques et dans les milieux où elle se sont manifestées. Centré sur l’éducation des enfants et des adolescents, ce numéro mettra aussi à l’étude les effets escomptés par ces médecins sur ces deux catégories d’âges dont les bornes ont varié depuis le début la fin du XIXe siècle. Les différentes crises qui traversent ces premiers âges de la vie seront également interrogées au regard, d’une part, des disciplines qui en ont encouragée l’étude et, d’autre part, des théories qui en sont issues.
Les propositions de contribution devront s’intégrer dans l’un des trois axes ci-dessous :
Axe 1. Propagande médicale
Il s’agira de montrer comment la santé, ce bien le plus précieux sur lequel reposent les espoirs de la guérison, a servi d’argument dans le cadre d’une propagande dans et hors l’école à l’époque où elle fut menée (Viborel, 1930). À cet effet, les sociabilités de ces « médecins éducateurs » seront travaillées afin de faire la lumière sur les moyens à partir desquels ils ont pu diffuser à plus ou moins grandes échelles leurs propositions. Les diverses tentatives pour convaincre l’opinion publique de l’urgence des mesures à prendre en matière d’éducation de la jeunesse seront également convoquées pour être analysées au regard des promesses d’avenir qu’elles sous-tendent.
Axe 2. Les médecins éducateurs au chevet des familles
Le recours aux médecins par les parents sera un autre aspect étudié, ici. Il le sera plus particulièrement dans le cadre des relations parents/enfants/médecins dont les témoignages ont donné lieu à des ouvrages célèbres quand ils n’ont pas alimenté les journaux ou servi de contenu pour les émissions de radio et de télévision dédiées à la formation parentale à partir des années 1960. Les contributions consacrées à ces « guérisseurs de la relation parents-enfants » (Carrière, 1951) feront l’objet d’une attention toute particulière dans le cadre de ce numéro.
Axe 3. Traitement médico-éducatif et recommandations pédagogiques
Il sera également intéressant de se demander pourquoi certains de ces médecins éducateurs sont allés jusqu’à se présenter comme des « médecins pédagogues ». À cet effet, les raisons pour lesquelles les traitements préconisés nécessitent d’être accompagnés de recommandations pédagogiques seront questionnées. Cela nous donnera l’occasion d’étudier ce que l’on entend par « pédagogie curative » (Debesse, 1961) au regard des mesures éducatives destinées à aider les enfants qui présentent des difficultés et/ou des troubles du comportement d’origine physique ou mentale. À cet effet, il sera fait une place toute particulière à ces enfants et à ces adolescents « inadaptés » (Chauvière, 1980) qui, bien qu’intelligents, ont de mauvais résultats scolaires et pour qui les examens pratiqués ont conduit à penser qu’une psychothérapie ne suffisait pas.
Bousquet J.-B. (1840) Éloge historique d’Itard (1774-1838). Paris : Cosson.
Carrière M. (1951) Pour ou contre les guérisseurs. Un voyage au pays de la guérison qui n’ose pas dire son nom. Paris : Librairie Secretan.
Chauvière M. (1980) Enfance inadaptée : l’héritage de Vichy. Paris : Les éditions ouvrières.
Chiland C. (1989) Mon enfant n’est pas fou. Paris : Centurion.
Claparède Éd. (1905) Psychologie de l’enfant et pédagogie expérimentale. Genève : Librairie Gündig
David M. (1956) L’enfant de deux à six ans. Vie affective. Problèmes familiaux. Toulouse : Privat.
Debesse M. (1961) « La pédagogie curative » – in : G. Mauco L’adaptation scolaire et sociale et ses remèdes (5e éd., 142-150) Paris : Colin-Bourrelier
De Greef É. (1948) Nos enfants et nous. Bruxelles : Casterman.
Dolto C. (1989) Paroles pour adolescents ou le complexe du Homard avec F. Dolto. Paris : Hatier.
Dolto F. (1977, 1978, 1979) Lorsque l’enfant paraît (3 tomes). Paris : Le Seuil.
Frydman R. (avec C. Schilte) (2007) Devenir père. Paris : Hachette.
Guegen C. (2015) Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau. Paris : R. Laffont.
Guegen C. (2017) Vivre heureux avec son enfant. Un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives. Paris : R. Laffont.
Jeanne Y. (2007) « Désiré Magloire Bourneville, rendre leur humanité aux enfants “idiots” » – Reliance 2, 24 (144-148).
Kayser V. (2012) La pédagogie Montessori. De l’approche anthropologique à l’émergence de la neuroéducation. Londres : Éditions Universitaire Européennes.
Kohout-Diaz M. (2018) « Médecins pédagogues ou pédagogues médecins ? » – in : M. Kohout-Diaz (éd.) L’éducation inclusive. Un processus en cours (87-92). Toulouse : Éditions érès.
Launay C. (1959) L’hygiène mentale de l’écolier. Paris : PUF.
Medici A. (1940) L’Éducation nouvelle, ses fondateurs, son évolution. Paris : PUF.
Montreuil-Straus G. (1959) La jeunesse devant la vie sexuelle. Paris : Éditions du Scarabée.
Naouri A. (1993) L’enfant bien portant. Les premières années. Paris : Seuil.
Ottavi D. (2001) De Darwin à Piaget. Pour une histoire de la psychologie de l’enfant. Paris : CNRS éditions.
Pelicier Y. & Thuillier G. (1980) Édouard Seguin (1812-1880), l’instituteur des idiots. Paris : Éditions Economica.
Postel J. (1979) « Philippe Pinel et le mythe fondateur de la psychiatrie française » – Psychanalyse à l’Université 4, 14 (197-244).
Robin G. (1961) L’éducation des enfants difficiles. Paris : PUF.
Rufo M. (2006) Les nouveaux ados : comment vivre avec ? Paris : Bayard.
Rufo M. (avec C. Schilte) (2018) Élever son enfant de 0 à 3 ans. Le guide des nouveaux parents. Paris : Hachette.
Spock B. (1959) Comment soigner et éduquer son enfant ? Verviers : Éditions Gérard et Cie.
Szanto-Féder A. (dir.) (2012) Lóczy : un nouveau paradigme ? L’Institut Pikler dans un miroir à facettes multiples. Paris : PUF.
Viborel L. (1930) La technique de la propagande en hygiène sociale. Paris : éditions de la vie saine.
Wagnon S. (2013) Ovide Decroly, un pédagogue de l’Éducation nouvelle (1871-1932). Berne : Peter Lang.
Calendrier
Septembre 2025 : Appel à contributions
15 novembre 2025 : Réception des projets d’articles (résumés)
15 janvier 2026 : Réponse aux auteurs et autrices
1er avril 2026 : Livraison des articles
1er juin 2026 : Retour des expertises aux auteurs et autrices
Juin-septembre 2026 : Navettes entre les auteurs/autrices, les co-directeur/directrice du numéro et les expert es
Décembre 2026 : Livraison du dossier (articles dans leurs versions définitives accompagnés de l’introduction).
Consignes aux auteurs et autrices
Nous attendons pour le 15 novembre 2025 un résumé d’une page présentant le projet d’article envisagé, où les auteurs et autrices indiqueront une problématique générale et le questionnement qui en découle sans omettre de préciser la question dans laquelle ils et elles s’inscrivent. Enfin, une liste des références bibliographiques mobilisées dans le cadre de l’étude entreprise sera jointe au résumé.
Vous veillerez à y indiquer également :
vos noms, prénoms
votre institution
votre adresse postale professionnelle et une adresse électronique
un titre d’article
Les propositions sont à envoyer en fichier attaché (en format. doc ou. docx) à
jgunther.eggingeratuniv-artois.fr et à laurent.gutierrezatparisnanterre.fr
Si vous souhaitez envoyer un article développé dès cette première échéance, nous le lirons avec la même attention.
Les propositions retenues donneront lieu à une proposition d’article qui n’excèdera pas 35.000 signes (espaces compris), attendue pour le 1er avril 2026. Elle sera rédigée en utilisant la feuille de style de la revue Spirale, en suivant strictement ses options rédactionnelles spécifiques, notamment en ce qui concerne la bibliographie : https://spirale-edu-revue.fr/Recomm...
Votre contribution sera soumise à un logiciel anti-plagiat avant le processus d’expertise, la revue ne publiant que des articles originaux.