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jeudi 15 août 2024

Appel à contributions
Spirale
77 (février 2026)

Corps et genre en mouvement en contextes éducatifs variés

Spirale – Revue de Recherches en Éducation
Appel à contributions pour le numéro thématique 77 (février 2026)

Corps et genre en mouvement en contextes éducatifs variés

Sabine THOREL-HALLEZ
Univ Lille
ULR 4354 – CIREL-Récifes (composante Inspé HDF)
et
Loïc SZERDAHELYI
Université Claude Bernard Lyon 1
UR 7428 L-VIS (Laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport)

Les études sur le genre constituent aujourd’hui un champ de recherche pluridisciplinaire, dont l’ambition est de mettre à l’épreuve de la critique scientifique l’organisation binaire et hiérarchisée du monde social. Outil d’observation de la réalité empirique, le genre est aussi, et tout à la fois, un concept s’appuyant sur des présupposés théoriques pour analyser cette réalité ainsi qu’un levier d’action pour la transformer (Lépinard & Lieber, 2020 ; Clair, 2023). Depuis les travaux fondateurs, les usages du genre se sont considérablement enrichis, les terrains d’étude se sont diversifiés et les approches méthodologiques renouvelées (pour une généalogie du genre et de son articulation avec d’autres catégories d’analyse, voir les bilans historiographiques de : Zancarini-Fournel, 2010 et 2020). Le présent dossier thématique de Spirale – Revue de Recherches en Éducation s’inscrit dans cette dynamique, en portant la focale sur les contextes éducatifs. Les contextes éducatifs sont ici envisagés dans leur pluralité et ne se limitent pas à l’éducation scolaire. Les questions posées dans ce numéro s’ouvrent ainsi à l’espace universitaire et de formation professionnelle, à l’éducation artistique, populaire, féministe, non formelle et, plus largement, aux contextes éducatifs de vulnérabilité (Condette, 2023), notamment des jeunes en milieu carcéral (Thorel-Hallez, 2023a). La variété des contextes éducatifs désigne aussi la multiplicité des situations d’éducation et de formation, situées dans l’espace-temps, leur régularité ou leur exceptionnalité, les protagonistes et groupes sociaux impliqués. Autant d’angles possibles que ce dossier souhaiterait investir dans un projet d’études comparées, pour saisir la finesse des processus, des relations et des catégorisations sexuées dès lors que les corps sont en je(u) et le genre en mouvement.
La construction du genre, issue d’un système et nourrie par celui-ci, génère, culturellement et historiquement (Laqueur, 1992), attributs, activités, identités, rôles et statuts sociaux. Ce système est à la fois basé sur la croyance en la différence des sexes (Mosconi, 2016) et la sujétion sans cesse reconfigurée des personnes aux normes de féminité et de masculinité, bâties sur des rapports de domination et de pouvoir (Scott, 1988). Le genre peut ainsi être appréhendé « comme un rapport de pouvoir qui assure sa reproduction en partie grâce aux mutations du système catégoriel qu’il produit et sur lequel il s’adosse » (Dorlin, 2021 : 57). Dans la sphère éducative, le « système de genre » (Parini, 2006), structuré par le primat du masculin et de l’hétéronormativité, dans les pays dits du Nord comme du Sud (Lange, 2023), active la répartition des enfants, des jeunes et des adultes en deux groupes de sexe – garçon/homme vs. fille/femme – dont les identités, les rôles et les comportements sont a priori spécifiés – masculin vs. féminin. L’histoire de la mixité scolaire en France est à cet égard révélatrice, tant elle révèle combien l’organisation de l’école, d’abord pensée pour les garçons, n’a d’aucune façon bouleversé son fonctionnement androcentrique lorsque s’est imposé le mélange des sexes (Rogers, 2004 ; Pezeu, 2020). Si la prétendue neutralité de la mixité a été déconstruite par les travaux princeps sur le genre en éducation (Mosconi, 1989 ; Duru-Bellat, 1990 ; Baudelot & Establet, 1992), les pratiques et conceptions de la mixité demeurent marquées par la sexuation des corps hétéronormés, la croyance en la différence des sexes et l’impensé de l’égalité (Pasquier, 2019 ; Richard, 2020 ; Mozziconacci, 2022 ; Szerdahelyi, 2022). Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que la gestion de mixité soit désormais embarrassée par la prise en compte des élèves trans, non-binaires ou fluides vis-à-vis des identités de genre, dont la visibilité se révèle croissante dans les établissements scolaires (Alessandrin, 2022 ; Pouy-Bidard, 2023).
Or, le déplacement du regard « des parties divisées vers le principe de partition lui-même » (Delphy, 2001 : 247) prolongé par les remises en question de la bi-catégorisation de sexe et de genre (e.g. Butler, 2005 ; Fausto-Sterling, 2012 ; Dayer, 2014) incitent à étudier les processus de construction de soi au regard des multiples manières de définir et de se définir en contextes éducatifs et de formation (Thorel-Hallez, 2023b). Dans cette voie, notre proposition vise, d’une part, à examiner les pratiques, les rapports et les mécanismes qui construisent les principaux modèles de corps dans « l’ordre de genre » (Connell, 2014) occidental contemporain et, d’autre part, à revisiter dans des contextes éducatifs variés l’arbitraire des signes relatifs aux catégories de sexe et de genre : fille/garçon, femme/homme, féminin/masculin. Ainsi le corps, parce qu’il est le premier signe visible d’assignation sexuée, est la focale d’analyse de cet appel à contributions. Du corps vécu et perçu au corps montré et regardé, chaque corps vit des expériences singulières. Les manières d’habiter une ou des situations contextualisées, traversées par des rapports de pouvoir, le sont avec un corps qui donne des indicateurs sur les nombreuses façons d’entrer en relation avec les autres. Il en va ainsi des corps des élèves, des enseignantes, des formateurs et formatrices, des étudiantes, des artistes dans le cadre de partenariats éducatifs et, plus largement, des corps de toutes personnes interagissant entre elles dans tout système d’enseignement/apprentissage. Pour cette raison, les mutations majeures des catégories du masculin et du féminin sont à examiner : « Le corps est une forme symbolique, un univers de significations et de valeurs toujours rejoué, toujours en mouvement » (Le Breton, 2016 : 143). Pourtant, le corps, si présent, reste bien souvent impensé dans les institutions et situations éducatives. Peu d’études s’engagent sur l’observation et l’analyse fine des corps en mouvement pour comprendre ce qui traverse et ce qui est induit par les corps des personnes en matière de conformité, de déplacement ou de distanciation eu égard aux normes corporelles sexuées, si ce n’est, probablement parce que le corps y est en première ligne, dans les sphères scolaires de l’éducation artistique (Delory-Monberger, 2016) ou de l’éducation physique et sportive (Couchot-Schiex & Coltice, 2017). À ce titre, le corps, comme l’art et le sport, sont sans doute les vecteurs parmi les plus efficaces de la reproduction des hiérarchies de genre en même temps que de formidables moyens, par leurs pratiques, leurs parcours ou leurs performances, de les questionner et de les faire se déplacer (Terret & Zancarini-Fournel, 2006).
Dans cette perspective, l’intention de ce dossier est de contribuer aux réflexions sur les catégories de sexe et de genre habituellement mobilisées en contextes éducatifs et de formation. En portant la lumière sur les corps et au moyen d’enquêtes de terrain, d’expérimentations pédagogiques ou de réflexions théoriques, l’objectif est d’envisager à nouveaux frais les catégories usuelles des pratiques professionnelles – catégories fille/garçon, femme/homme, féminin/masculin – autant que les mécanismes de construction de ces catégories dans une variété d’institutions et de situations éducatives. Ce faisant, ce dossier thématique prolonge de récentes recherches sur les corps genrés comme produits de socialisations (Garcia, Fraysse & Bataille, 2022), la dualité persistante des catégories femme/homme dans les débats occidentaux contemporains (Lemarchand & Salle, 2023) et les approches multidimensionnelles du genre ouvrant vers l’étude des féminités et des masculinités (Beaubatie, 2021 ; Broqua & Geoffrion, 2023). Croiser les catégories de pratique, de classification et d’identification au-delà des « limites des cadres de pensée et d’action classiques » en matière de sexe et de genre (Couchot-Schiex & Collet, 2022 : 150), tel est en somme le projet que le numéro 77 de la revue Spirale – Revue de Recherches en Éducation propose d’investir dans une perspective comparatiste visant à situer les catégories mobilisées, leurs processus de construction et leurs principes de justification. L’appel à contributions se veut ouvert à toute proposition inscrite dans les études sur le genre, dès lors qu’elle est examinée sous la focale du corps en contexte éducatif. Devant la variété de possibles, les propositions d’article viseront tout particulièrement à ouvrir le questionnement dans un but d’innovation, de réflexion pratique et/ou théorique sur les questions de corps et de genre venant, dans le même temps, éclairer et enrichir les réflexions dans le cadre des formations professionnelles.

Bibliographie indicative

Alessandrin A. (2022) « La prise en compte des élèves trans à l’école en France » — La Nouvelle Revue – Éducation et Société Inclusives 93, 1 (229-244).
Baudelot C. & Establet R. (1992) Allez Les filles ! Paris : Le Seuil.
Beaubatie E. (2021) « Le genre pluriel. Approches et perspectives pour complexifier le modèle fem¬me/homme en sciences sociales » — Cahiers du Genre 70, 1 (51-74).
Broqua C. & Geoffrion K. (2023) « Diversité de genre : saisir l’évolutivité des catégories et des normes » — Anthropologie et Sociétés 47, 2 (1-15).
Butler J. (2005/1990) Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion. Paris : La Découverte.
Clair I. (2023/2012) Sociologie du genre. Paris : Armand Colin.
Condette J.-F. (dir.) (2023) De la difficulté d’enseigner. Permanences et mutations de la fin du XVIIIe siècle à nos jours. Villeneuve d’Ascq : Septentrion.
Connell R. (2014/1995) Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie. Paris : Éditions Amsterdam.
Couchot-Schiex S. & Collet I. (2022) « Errements des politiques éducatives d’égalité franco-suisses » — in : L. Szerdahelyi (dir.) Quelle égalité pour l’école ? (129-157). Paris : L’Harmattan.
Couchot-Schiex S. & Coltice M. (2017) « Lire les corps en action : EPS et genre dans le secondaire » — in : S. Couchot-Schiex (dir.) Le genre (99-114). Paris : Éditions EP&S.
Dayer C. (2014) Sous les pavés, le genre. Hacker le sexisme. La Tour d’Aigues : Éditions de l’Aube.
Delory-Monberger C. (dir.) (2016) Éprouver les corps. Corps appris, corps apprenant. Toulouse : Érès.
Delphy C. (2001) L’ennemi principal. Tome 2 : Penser le genre. Paris : Éditions Syllepse.
Dorlin E. (2021/2008) Sexe, genre, sexualité. Introduction à la théorie féministe. Paris : PUF.
Duru-Bellat M. (1990) L’école des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux ? Paris : L’Harmattan.
Fausto-Sterling A. (2012) Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science. Paris : La Découverte.
Garcia M.-C., Fraysse M. & Bataille P. (2022) « Le corps sexué au prisme du genre. Nouvelles problématiques » — SociologieS.
https://doi.org/10.4000/sociologies...
Lange M.-F. (2023) « Présentation du dossier. Scolarisation et genre : perspectives Nord et Sud » — Éducation et Sociétés 49, 1 (5-27).
Laqueur T. (1992) La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident. Paris : Gallimard.
Le Breton D. (2016) « Transcorps : les uns, les unes, les autres » — in : C. Delory-Monberger (dir.) Éprouver les corps. Corps appris, corps apprenant (133-148). Toulouse : Érès.
Lemarchand P. & Salle M. (dir.) (2023) Qu’est-ce qu’une femme ? Catégories homme/femme : débats contemporains. Paris : Éditions Matériologiques.
Lépinard É. & Lieber M. (2020) Les théories en études de genre. Paris : La Découverte.
Mosconi N. (1989) La mixité dans l’enseignement secondaire : un faux semblant ? Paris : PUF.
Mosconi N. (2016) De la croyance à la Différence des sexes. Paris : L’Harmattan.
Mozziconacci V. (2022) Qu’est-ce qu’une éducation féministe ? Égalité, émancipation, utopie. Paris : Éditions de la Sorbonne.
Parini L. (2006) Le système de genre. Introduction aux concepts et théories. Zürich : Éditions Seismo.
Pasquier G. (2019) Construire l’égalité des sexes et des sexualités. Pratiques enseignantes à l’école primaire. Rennes : PU de Rennes.
Pezeu G. (2020) Des filles chez les garçons. L’apprentissage de la mixité. Paris : Vendémiaire.
Pouy-Bidard B. (2023) « L’enseignante d’EPS au prisme de la “question trans” en milieu scolaire. Une professionnelle ‘‘hors-pairs’’ dans la prise en compte des transidentités à l’école ? » — Éducation et Socialisation. Les Cahiers du CERFEE 70 [en ligne].
https://doi.org/10.4000/edso.25911
Richard G. (2020) Hétéro, l’école ? Plaidoyer pour une éducation anti-oppressive à la sexualité. Montréal : Édition du remue-ménage.
Rogers R. (2004) La mixité dans l’éducation. Enjeux passés et présents. Lyon : ENS Éditions.
Scott J. (1988) « Genre : Une catégorie utile d’analyse historique » — Les Cahiers du GRIF 37-38 (125-153).
Szerdahelyi L. (dir.) (2022) Quelle égalité pour l’école ? Paris : L’Harmattan.
Terret T. & Zancarini-Fournel M. (2006) « Le genre du sport. Éditorial » — Clio. Histoire, Femmes et Sociétés 23 (5-14).
Thorel-Hallez S. (2023a) « Danse Hip Hop et Mieux-être de jeunes en contextes éducatifs de vulnérabilité » — Lakisa 6 (37-47).
Thorel-Hallez S. (2023b) Danse(s), identité(s) et inégalité(s) de genre à l’école : des pratiques d’enseignement aux dispositifs de formation. Habilitation à diriger des recherches, Université de Lille.
Zancarini-Fournel M. (2010) « Condition féminine, rapports sociaux de sexe, genre… » — Clio. Histoire, Femmes et Sociétés 32, 2 (119-129).
Zancarini-Fournel M. (2020) « Généalogie de l’intégration des catégories de classe, genre, race dans la discipline historique hexagonale » — 20&21. Revue d’Histoire 146, 2 (17-28).
https://doi.org/10.3917/vin.146.0017

Calendrier

Septembre 2024 : Appel à contributions
13 novembre 2024 : Réception des projets d’articles (résumés)
15 janvier 2025 : Réponse aux auteurs et autrices
1er avril 2025 : Livraison des articles
1er juin 2025 : Retour des expertises aux auteurs et autrices
Juin-septembre 2025 : Navettes entre les auteurs/autrices, les co-directeur/directrice du numéro et les expertes
Décembre 2025 : Livraison du dossier (articles dans leurs versions définitives accompagnés de l’introduction).

Consignes aux auteurs et autrices

Nous attendons pour le 13 novembre 2024 un résumé d’une page présentant le projet d’article envisagé, où les auteurs et autrices indiqueront une problématique générale et le questionnement qui en découle sans omettre de préciser la question dans laquelle ils et elles s’inscrivent. Enfin, une liste des références bibliographiques mobilisées dans le cadre de l’étude entreprise sera jointe au résumé.
Vous veillerez à y indiquer également :
vos noms, prénoms
votre institution
votre adresse postale professionnelle et une adresse électronique
un titre d’article

Les propositions sont à envoyer en fichier attaché (en format. doc ou. docx) à
sabine.thorelhallezatuniv-lille.fr
et
loic.szerdahelyiatuniv-lyon1.fr

Si vous souhaitez envoyer un article développé dès cette première échéance, nous le lirons avec la même attention.
Les propositions retenues donneront lieu à une proposition d’article qui n’excèdera pas 30 000 signes (espaces compris), attendue pour le 1er avril 2025. Elle sera rédigée en utilisant la feuille de style de la revue Spirale, en suivant strictement ses options rédactionnelles spécifiques, notamment en ce qui concerne la bibliographie :
https://spirale-edu-revue.fr/Recomm...
Votre contribution sera soumise à un logiciel anti-plagiat avant le processus d’expertise, la revue ne publiant que des articles originaux.