Coordination :
Marie-Christine Le Floch
marie-christine.leflochatuniv-lille3.fr
Carole Baeza
baezacaroleatyahoo.fr
Université Charles de Gaulle – Lille III
CeRIES et PROFEOR
L’éducation artistique à l’école est un domaine de recherche émergent en France et fait l’objet d’un volontarisme politique conséquent, au niveau national et européen. Le plan Lang/Tasca, 2001, le rapport Desplechin, en 2013 montrent l’importance d’un accès de tous les jeunes à la culture et la mise en place d’un parcours artistique et culturel. Ces orientations s’inscrivent dans un contexte européen (voir l’étude européenne Euridyce, 2009) et correspondent à une demande exponentielle de la part des enseignants et des écoles. À ces dispositifs et ces projets d’éducation artistique mobilisant des artistes de métier au sein des écoles et auprès des enseignants, sont en effet attribués des vertus de réparation de la forme scolaire qui les situent bien souvent à la frontière de l’éducation et du soin (Loeffel, 2012), qui font d’eux, en tout cas, des lieux de réenchantement de l’idéal éducatif scolaire, des lieux où se rejouent les conditions scolaires du geste éducatif (Kerlan, 2004). L’espérance éducative que porte l’art dépasse de loin les cadres de l’école pour toucher la société saisie d’une foi en la vertu « régénératrice » des activités artistiques. Au centre de cette foi, la « célébration du sensible » (Kerlan, 2004). Avec l’art, dès le plus jeune âge, le sentiment, l’émotion, la sensibilité se sont officialisés comme valeurs de l’éducation, « facteurs d’équilibre et d’harmonie individuelle, sans lesquels il n’y a pas d’apprentissage véritable » (Kerlan, 2005), surclassant le paradigme piagétien longtemps dominant dans la compréhension du développement de l’enfant et des apprentissages scolaires.
Cette participation au sensible propre à l’éducation artistique l’érige par là-même en contre-modèle d’éducation face au modèle scolaire dont la promesse éducative est fragilisée depuis longtemps : l’idéal d’émancipation par la raison qui faisait tenir l’école et les enseignants est à bout de souffle. Dans ce paysage, l’éducation artistique semble à même de reprendre la visée émancipatrice de la modernité à partir de son ancrage romantique . Cela suppose un recentrement du sujet sur la sensibilité, sur ce qui lui appartient en propre, sur son intériorité, et une relativisation de la raison à la fois comme condition de l’universel et moyen de l’accomplissement de l’être humain. La sensibilité, en effet, peut tout autant satisfaire aux exigences de ce double programme (Loeffel, 2011).
Dans le champ scolaire, les principes de l’éducation artistique se sont formulés en ce sens : recentrement sur la dimension sensible et créative de l’enfant/élève, moyen d’accès à l’universel et condition d’un partage renouvelé sur ses bases, relativisation de la raison. Au fond, l’éducation artistique semble réunir toutes les conditions d’un nouveau paradigme éducatif apte à réaliser le principe de l’« enfant/élève au centre ». L’élève y est placé « au cœur de la culture » (Lang/Tasca, 2001). En outre, l’éducation artistique permettrait de redistribuer les cartes entre les élèves (Desplechin, 2013).
L’éducation artistique oblige ainsi à réinterroger les catégories avec lesquelles la recherche en éducation appréhende les faits scolaires. Mobilisant un ou plusieurs adultes non professionnels de l’éducation au sein des classes, elle bouscule les frontières du travail éducatif, celles qui séparent le scolaire du non scolaire ou de l’antiscolaire, les savoirs académiques d’autres formes d’initiation. L’originalité de certains dispositifs à l’école élémentaire réside dans une mise en œuvre au sein même des établissements.
Les frontières enfant/élève, adulte/enfant, enseignant/élève en sont également chamboulées, de la même manière que la forme scolaire et les normes de l’éducation et de l’apprentissage.
Peu explorée en France, l’éducation artistique requiert un regard pluridisciplinaire allant de la philosophie (avec les travaux notamment de Gadamer, John Dewey, Joëlle Zask, Christian Ruby, Jacques Rancière, Alain Kerlan), à l’histoire de l’art (voir notamment les travaux de Paul Ardenne), en passant par la sociologie de l’enfance (voir Sirota 2006 et le colloque Enfance et culture (Paris V, 2010), sans oublier les travaux du socio-anthropologue Jean-Paul Filiod (2008), ou de la sociologie de la culture (Péquignot, 2011). Mais aussi et enfin, le regard de la didactique de l’éducation artistique questionnant les frontières entre enseignement et éducation(s) (voir à ce propos le n° 50 de Spirale sur les « éducations à… »).
Le projet de ce numéro de Spirale est de confronter des recherches, centrées sur l’éducation artistique.
Les questions ci-dessous n’ont pour fonction que de donner des orientations, elles ne se veulent pas exhaustives, mais les auteurs pourront s’en inspirer pour situer leur projet d’article en fonction des enjeux scolaires de cette éducation.
– Quelles sont les compétences développées par les élèves ?
– La division du travail entre l’artiste et l’enseignant est-elle l’occasion d’une évolution de leurs pratiques et de leurs représentations ? Selon quels modèles ?
– Quelles sont les modalités de travail et d’apprentissage pour les élèves (s’il s’agit bien d’apprentissage) ?
– Quels sont les effets de l’éducation artistique ? Et de quelle nature sont-ils ?
– Comment saisir ces effets ?
– Qu’en est-il de cet objet non scolaire, l’art, au sein de l’école ? Quel est le regard de la didactique à ce pro-pos ?
– Quelles normativités de l’éducation véhiculent les projets d’éducation artistique ?
– Comment l’éducation artistique s’est construite dans le temps ? Quelles évolutions des programmes, des objets et des méthodes ?
Liste de références, à titre indicatif
Dewey J. (2005/1934) L’art comme expérience. Tours : Éditions Farago (trd. française).
(2008) Évaluer les effets de l’éducation artistique et culturelle. Symposium européen et international de recherche. Paris : Centre Pompidou/La Documentation Française.
Filiod J.-P. (2008) « Des artistes dans l’école : brouillages et bricolages professionnels » – Ethnologie française 38 (89-99).
Gadamer H.-G. (1992) L’actualité du beau. Aix-en-Provence : Alinéa.
Gavarini L. (2001) La passion de l’enfant. Paris : Hachette.
Kerlan A. (2004) L’art pour éduquer ? La tentation esthétique. Laval : Presses de l’Université Laval.
Kerlan A. (dir) (2005) Des artistes à la maternelle. Lyon : Scéren/CRDP.
Kerlan A. & Loeffel L. (dir.) (à paraître) Repenser l’enfance ? Paris : Hermann.
Revue Autrement 195 (2000) L’art pour quoi faire.
Le Floch M.-C. & Baeza Carole (2013) Effets de l’éducation artistique à l’école. L’exemple du projet MUS-E®. Rapport pour l’association Courant d’Art. Lille III CeRIES-PROFEOR.
Lemonchois M. (2003) Pour une éducation esthétique. Discernement et formation de la sensibilité. Paris : L’Harmattan.
Loeffel L. (2011) « La reconnaissance du sujet sensible dans l’éducation artistique : entre utopie et réalité » – Chemins de Formation 16.
Loeffel L. (2012) « L’éducation artistique à l’école : éduquer ou soigner ? » – Transverses 3.
Ministère de la culture et de la communication (2013) Pour un accès de tous les jeunes à l’art et à la culture. Rapport du comité de consultation sur l’éducation artistique et culturelle présidé par Marie Desplechin.
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Actualites/Missions-et-rapports/Consultation-sur-l-education-artistique-et-culturelle-Pour-un-acces-de-tous-les-jeunes-a-l-art-et-a-la-culture
Mission de l’éducation artistique et de l’action culturelle. Direction de l’enseignement scolaire (2001) Le plan pour les arts et la culture à l’Ècole. Rapport Lang/Tasca. Paris : CNDP.
http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-content/uploads/2012/07/le_plan_pour_les_arts_et_la_culture.pdf
Pequignot B. (2011) « Pour une éthique de la médiation culturelle » – Raison Présente 177.
Rancière J. (2000) Le partage du sensible. Esthétique et politique. Pafis : La Fabrique.
Sirota R. (dir.) (2006) Éléments pour une sociologie de l’enfance. Rennes : PUR.
Calendrier
– réception des projets d’articles (résumé d’une page) : 30 septembre 2014
– signification aux auteurs que leur projet est retenu : 30 octobre 2014
– réception de l’article (30 000 signes, tout compris) : 5 janvier 2014
– communication des avis des experts : fin mars 2015
– réception de l’article définitif : 1er juin 2015
– publication : octobre 2015
Nous attendons pour le 30 septembre 2014 un résumé d’une page présentant votre projet d’article. Vous y préciserez la/les question(s) que vous envisagez de traiter, le cadre théorique dans lequel vous vous inscrivez, les choix méthodologiques et les données sur lesquelles vous travaillez, ainsi que quelques résultats, même très provisoires.
Vous indiquerez également :
– vos noms, prénoms
– votre institution
– votre adresse postale professionnelle et une adresse électronique
– un titre d’article
– quelques mots-clés.
NB : vous pouvez, si vous souhaitez, envoyer un article développé dès cette première échéance.
Les propositions sont à envoyer en fichier attaché (en format. doc ou. docx) par mail à marie-christine.leflochatuniv-lille3.fr
L’intitulé du fichier sera rédigé ainsi : Spirale56_votre nom. doc (ou. docx)