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avril 1996

DARRAS Francine et LEDOUX Jean Philippe « “Il était une fois un cha et un chen”… ou l’histoire d’une évaluation » - Spirale 4 (1990)

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A l’origine de cet article, il y a le croisement de deux pratiques professionnelles différentes, celle d’un instituteur de CE 2 et celle d’un PEN (Professeur d’École Normale) ; et autour de cette écriture, deux projets différents. Mais des choix pédagogiques identiques.
Pour l’instituteur, la semaine qu’a duré la passation des épreuves d’évaluation a été une semaine à gérer dans la continuité du temps scolaire, au milieu de la diversité des événements ordinaires et extraordinaires qui sont consubstantiels à la vie d’une classe : assurer la cantine, l’étude, quelques coups de téléphone à la mairie, les leçons habituelles, voir s’accumuler les travaux de correction (les mathéma-tiques, le français), bénéficier de (ou faire avec ?) l’orchestration médiatique qui a entouré cette évaluation pour en faire un événement de portée nationale ; sans ou-blier dans cette classe-là, cette semaine-là, l’orchestration du marteau-piqueur qui a rythmé le travail de toute l’école (les services de la voirie refaisaient la rue précisément à ce moment-là). Et tout en codant chaque item, le sentiment de devoir prendre des décisions à l’emporte-pièce, la crainte de mal saisir la formulation d’un critère ; pour être plus rentable et en même temps plus rigoureux, la nécessité de corriger pour toute la classe, exercice par exercice. Atomisation complète dans cette tâche obligatoirement parcellisée. Se dire que si Virginie avait pu avoir cinq minutes de plus… n’être pas sûr que Mimount ait bien compris la consigne… chercher ce qu’il faudra dire à la mère de Grégory… si du moins elle vient à l’école, aux nouvelles, encouragée – si ce n’est légitimée – par les médias justement… Occasion unique pour certains parents d’oser aller à l’école pour parler à l’instituteur de leur enfant… Se demander comment pouvoir exploiter les informations que peut apporter cette évaluation, surtout pour chacun des élèves ; comment partant de là construire des of-fres d’apprentissage différenciées, mieux ciblées, sans tomber dans les illusions pé-dagogiques d’une remédiation conçue comme la répétition de l’exercice raté ou comme des gammes d’exercices portant sur un même objectif, ou plutôt sous(-sous-)-objectif… Offres d’apprentissages aussi atomisées que la tâche de correction… Comment résister au risque de modéliser une évaluation – surtout nationale – en programme d’enseignement.
Et pour le PEN, les mêmes orientations pédagogiques, mais à articuler dans un projet de formation continue d’instituteurs dans le cadre des stages mis en place conjointement à l’évaluation. Le projet d’aider les instituteurs à avoir une vue d’ensemble des résultats d’un même élève, surtout à croiser au fil des différents exercices les performances d’un même élève sur un même savoir-faire ; ce, afin de formuler de la manière la moins approximative possible des hypothèses rendant compte des difficultés de tel ou tel élève, dans le domaine du « français ». Dit autrement, l’enjeu de la formation était de prendre la mesure de ce que peut être une évaluation diagnostique, d’abord dans le cadre de ces cahiers que les élèves avaient à renseigner au crayon. Donc, nécessairement aider à concevoir des offres pédagogiques dont la diversité rende compte de la complexité des hypothèses formulées - et qui ne soient pas réponses mécanistes à telle lacune que serait censé mettre clai-rement en évidence tel ou tel exercice. Puis, calculer les limites des exercices - limi-tes inhérentes à n’importe quelle évaluation - pour accompagner la mise en place de l’observation des élèves dans d’autres situations, et en particulier dans des situations d’apprentissage – situations écologiques, cette fois – pour valider ou infirmer telle ou telle hypothèse. L’objectif était alors d’installer une approche interactive du couple évaluation-apprentissage.
C’est ainsi qu’est apparue Jennifer. Pour le formateur, dans son projet - vo-lontariste - d’aller y regarder de plus près pour des élèves vraiment en difficulté en lecture-écriture, par la mise en relation de l’ensemble de ses résultats dans le cahier d’évaluation « français ». Pour l’instituteur, dans le pari que la focalisation sur une élève en difficulté serait à l’origine de propositions d’apprentissage mieux ciblées, pour Jennifer certes, mais aussi pour l’ensemble des élèves de la classe. Aussi, dans les pages qui suivent, le formateur, l’instituteur commencent par mettre en réseau des éléments d’analyse des difficultés, des savoirs de Jennifer : pour le premier, à partir de son cahier d’évaluation ; pour le second, à partir d’observations faites pen-dant des séquences en classe (« des photos de classe », en quelque sorte).

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