Résumé : L’éducation peut être comprise comme inculcation ou comme expression de soi. L’auteur montre qu’il s’agit là non d’une antinomie mais d’une simple tension entre deux pôles qui organise notre expérience. Il explique la valorisation de l’expérience de soi par un phénomène culturel que Charles Taylor appelle « le tournant expressiviste », et montre que l’injonction à devenir soi-même n’entre pas en conflit avec les normes sociales. Il est possible de concilier éducation et idée du moi qui s’auto-formule. L’exemple de cette conciliation est donné par l’éducation morale selon Kolhberg, plus connue sous l’appellation de « philosophie à l’école ». Cette méthode repose en effet sur l’idée que l’enfant doit être invité à faire appel à ses ressources intérieures pour résoudre des questions morales. L’auteur conclut qu’en invoquant la montée d’une « culture de l’expression » menaçante, l’on risque d’assimiler trop vite individualisme et subjectivisme, au lieu de penser l’indivi¬dualisme de façon complexe et dans son historicité. Les travaux de G. Simmel permettent une telle analyse, qui distinguent un « individualisme latin » perpétuant l’héritage des Lumières et un « individualisme germanique » d’inspiration romantique et expressiviste.
Mots-clés : éducation, inculcation, expression, individualisme, subjectivisme, morale, normativité.
Abstract : The education can be understood as inculcation or as self-expression. The author shows that it is not a contradiction but a simple tension between two poles which organizes our experience. He explains the valuation of self-expression by a cultural phenomenon which Charles Taylor calls « the expressivist turn », and shows that the order to become oneself does not enter conflict with the social standards. It is possible to reconcile the education and the idea of a subject which autoformulates. The example of this conciliation is given by the moral education described by Kolberg that is more well-known under the name of « philosophy at school ». This method indeed rests on the idea that the child must be invited to appeal to his internal resources to resolve moral questions. The author concludes that, by speaking of the rise of a threatening « culture of the expression », we risk to assimilate too fast individualism and subjectivism, instead of thinking of the individualism in a complex way and in its historicity. The works of G. Simmel allows such an analysis, that distinguishes a « Latin individualism » immortalizing the inheritance of the Lights and a « Germanic individualism » of romantic inspiration.
Keywords : education, inculcation, expression, subject, individualism, subjectivism, ethic, social norms.