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août 1996

YERLES Pierre « Pour une tactique didactique » - Spirale 8 (1992)

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Une intuition sous-tend depuis plus de vingt ans la recherche-action que nous menons à l’Unité de didactique du français de l’Université de Louvain en matière de formation des maîtres : l’activité de didactique est redevable d’une logique qui, sans exclure le fonctionnement actuel de la rationalité pratique, lui est à coup sûr irréductible. Qu’il soit possible, voire même bénéfique, de rendre compte, en termes de rationalité pure (scientifique-expérimentale-descriptive), de telle ou telle composante ou manifestation de cette activité n’empêche nullement le discours rationaliste d’échouer -pour l’heure en tout cas - à prendre en charge la substantifique moelle de l’opération didactique, la mystérieuse alchimie relationnelle qui la caractérise, la subtile métamorphose qu’elle provoque.
Les trois métaphores convoquées ici - comme on lève une armée ?- entendent marquer dans ce discours même la rupture méthodologique voire épistémologique qu’il nous paraît indispensable d’effectuer si l’on veut ne pas se résigner, touchant à la transmission et à la perpétuation de cette activité qu’est l’acte d’enseigner, à ce qui, dans le chef de la didactique dite scientifique, bien loin d’être simplement de l’ordre d’une neutralisation méthodologique, nous paraît même relever de la supercherie. Car, à y regarder de près, c’est non seulement la considérable complexité et diversité des composantes et des modalités de l’apprentissage que s’épuise souvent à vouloir prendre en charge la rationalité scientifique didactique, mais c’est tout autant la non moins importante fulgurance qui caractérise à l’évidence l’acte d’apprentissage.
Deux urgences, dès lors, se concurrencent. Celle, certes, de ne pas faire le lit des obscurantismes et charlatanismes de toute nature en portant sur les entreprises de rationalité -toujours utiles pour autant qu’elles soient bien maintenues à leur juste place et restent conscientes de leurs limites- des accusations inopportunes et inconsidérées. Celle aussi cependant de « courir sans hésiter où le devoir (nous) oblige », à savoir ces lieux mêmes d’action et de de réflexion mêlées où s’imposent d’autres sécurités et efficacités que celles de la raison raisonnante et de notre logique coutumière.