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samedi 21 décembre 1996

BREUVART Jean-Marie « À propos de médiation : éthique et travail social » - Spirale 17 (1996)

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Comme le remarque P. Bourdieu dans La Misère du Monde (Seuil, 1993 - Au lecteur, pp. 7-8)
« Ne pas déplorer, ne pas rire, ne pas détester, mais comprendre ». Il ne servirait à rien que le sociologue fasse sien le précepte spinoziste s’il n’était pas capable de donner aussi les moyens de le respecter. Or, comment donner les moyens de comprendre, c’est-à-dire de prendre les gens comme ils sont, sinon en offrant les instruments nécessaires pour les appréhender comme nécessaires, pour les nécessiter en les rapportant méthodiquement aux causes et raisons qu’ils ont d’être ce qu’ils sont ? »

Nous pourrions dire que toute l’éthique du travail social se résume ainsi dans ce que les philosophes appellent aujourd’hui la compassion, qui n’est pas seulement un sentiment de commisération, mais comporte également une connaissance, ou une re-connaissance, de ceux dont s’occupent les travailleurs sociaux. Il s’agit là d’une médiation particulière, introduisant à d’autres relations avec les populations :
« C’est du côté de l’acte qu’il faut situer les choses. Cela concerne la question de la vérité qui cause la souffrance, vérité d’un réel qui oblige à se situer dans une autre relation face aux savoirs établis, dans un rapport effectivement, qui institue la vérité comme étant ce réel, réel qui n’est jamais dit par la théorie mais réel que la théorie délimite. »

Il est clair qu’une telle tâche n’est pas facile, car les travailleurs sociaux ne peuvent, pour de multiples raisons, vivre les problèmes auxquels sont confrontés ceux dont ils s’occupent. Il arrive qu’ils éprouvent une certaine difficulté à percevoir le lien entre toutes les manifestations dont ils peuvent être les témoins. La misère du monde se cache souvent sous des dehors dessinés par l’action sociale, par la propre enfance du travailleur social et ses propres visées professionnelles. Retrouver par conséquent les convergences entre les recher-ches personnelles de sens et celles des « gens » est l’une des difficultés majeures du travail social. C’est pourtant ce que vise en définitive la médiation sociale.
Nous étudierons donc ces difficultés, et ces convergences possibles, à partir des paroles éclatées, non sans avoir fait un détour par la pensée d’Habermas, ce philosophe allemand maintenant bien connu en France, et qui a développé, non pas une méthode sociale de plus, qui mettrait en avant la discussion, mais toute une vision du monde qui rend possible l’échange et le dépassement des clivages, rendant ainsi possible la médiation sociale.

SPIRALE - Revue de Recherches en Éducation - 1996 N° 17 (139-159)