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vendredi 14 juin 2013

Les éducations à… : nouvelles recherches, nouveaux questionnements ?
Présentation
– Spirale 50 (2012)

Sommaire et résumés

Depuis quelques années, différents systèmes scolaires ont connu l’introduction des éducations à… (educating for…), comme l’éducation à la santé, l’éducation aux droits de l’homme, l’éducation à la paix, l’éducation au développement durable, l’éducation à la responsabilité, l’éducation à l’entrepreneuriat, l’éducation à la citoyenneté… Les désignations et les intitulés varient. Ces domaines éducatifs peuvent être prescrits et organisés à différents niveaux institutionnels, international (en particulier européen), national ou local (établissement, classe). Ils peuvent avoir un caractère transversal ou être rattachés à différents champs disciplinaires, s’imposer comme une orientation des disciplines installées ou constituer un enseignement autonome. Les situations sont diverses, selon les États, les contextes et les objets. Ainsi, dans ce numéro, le développement des éducations à en France se trouve éclairé par l’analyse de ces questions dans d’autres systèmes éducatifs comme celui de l’Irlande (Simar et Jourdan), du Maroc (Khzami, Razouki, Selmaoui, Agorram et Berger) et du Liban (Saab, Berger et El Hage).
Dans la littérature de plus en plus abondante qui examine le statut institutionnel, pédagogique et social de ces créations scolaires, les éducations à… s’opposent souvent aux enseignements de (Lebeaume et Pavlova 2009). A la différence de ces derniers, qui renvoient à des contenus disciplinaires et culturels spécifiques, les éducations à… sont plutôt caractérisées par une visée éducative, en particulier le développement de valeurs et d’attitudes, et par la construction de compétences sociales et/ou éthiques à caractère transdisciplinaire ou adisciplinaire. Les choix effectués peuvent passer par la mise en place d’actions éducatives et la conduite de projets, voire chercher à favoriser l’engagement des apprenants dans l’action sociale. Leur mise en place légitime souvent le recours à des partenaires non-scolaires (par exemple en éducation à la santé, à l’entrepreneuriat ou au développement durable), comme l’examinent dans ce numéro les articles de Remoussenard, Mérini, Victor et Jourdan, Barthes et Alpe ou Moreau, Bruguière et Triquet.
Ce numéro de Spirale vise à faire un état des lieux, non exhaustif mais étendu, de recherches qui portent sur ces domaines éducatifs, pour interroger leurs objets, leurs questionnements, leurs références, et éventuellement identifier des « zones d’ombres », des questions qui ne sont guère abordées. Toutefois nous avons pris le parti de privilégier les recherches qui questionnent les éducations à… dans leur spécificité et ne se limitent pas à en déceler les traces dans une discipline scolaire. Cette investigation conduit le lecteur à identifier la transversalité et/ou la particularité des questions posées par chaque éducation à selon la tradition scolaire et curriculaire dans laquelle elle s’inscrit.

UNE VARIÉTÉ D’OBJETS, DES AXES TRANSVERSAUX
Les seize articles qui constituent ce numéro sont organisés en trois groupes thématiques. Le premier réunit cinq articles portant sur des éducations à… variées dans le temps et dans leurs thèmes : éducation aux TIC, éducation à entrepreneuriat, éducation à la santé et à la citoyenneté, nanotechnologies, éducation ménagère. Il témoigne ainsi de la diversité mais aussi du mouvement des éducations à…, identifié par certains chercheurs sur plusieurs décennies. Un second groupe rassemble sept articles qui portent sur l’éducation à la santé ; un dernier réunit quatre articles qui portent sur l’éducation au développement durable. La comparativement moindre part de cette dernière, au regard du nombre de recherches, peut s’expliquer par l’existence de nombreuses publications récentes dans le domaine de l’éducation au développement durable [1].
Sans que cela soit nécessairement significatif du champ de la recherche, on constate la quasi-absence de travaux empiriques sur l’éducation à la citoyenneté et sur d’autres qui lui sont liées comme l’éducation à la responsabilité ou à la paix. Nous faisons l’hypothèse que cette absence, ou l’ambiguïté qu’elle révèle quant à la place occupée par l’éducation à la citoyenneté, résulterait de plusieurs paramètres : tendance à substituer des champs d’action et des problématiques sociales plus spécifiques comme la santé et le développement durable à une vision générale de la citoyenneté ; tendance à interroger le lien de la citoyenneté avec des champs disciplinaires bien identifiés comme celui des sciences et des technologies, favorisant ainsi l’apparition d’une « citoyenneté scientifique » (Lange et Victor 2006, Albe 2008) ; déplacement de la vision scolaire dominante de la citoyenneté, politique et représentative, liée à la connaissance et au fonctionnement des institutions, à une vision participative questionnant les espaces des prises de décision en milieu scolaire et extra-scolaire et les liens entre responsabilité individuelle et responsabilité collective (Pagoni 2009) ; ancienneté de l’éducation à la citoyenneté dans l’espace francophone et augmentation de l’intérêt pour d’autres éducations à plus représentées dans les régions germanophones, scandinaves ou anglophones ou promues par des ONG.
La confrontation des articles révèle l’existence de six objets de recherche transversaux abordés avec une plus ou moins grande fréquence dans chacun des trois groupements thématiques :
• L’histoire et l’évolution de ces créations scolaires en lien avec l’évolution du contexte scolaire et social. Les articles de Lebeaume, prenant pour exemples l’éducation sexuelle, l’hygiène scolaire, la sécurité routière ou l’éducation ménagère, et de Nourrisson et Parayre sur l’éducation à la santé s’y consacrent. Ils incitent à nuancer l’idée que les éducations à… seraient un fait récent et à questionner leurs enjeux au regard de ceux du système scolaire. Sans adopter une analyse historique, plusieurs articles font également une place à l’évolution et/ou à l’extension de certaines de ces éducations (Barthes et Alpe, Drot-Delange, Khzami et alii, Remoussenard, Saab, Berger et El Hage, Zwang et Girault…). Il est en effet difficile de ne pas mettre en perspective les objets d’étude dans la durée, qu’il s’agisse d’en dégager l’introduction progressive ou de montrer les variations des prescriptions.
• Les contenus de ces domaines éducatifs tels qu’ils se présentent à différents niveaux de recommandations, des textes officiels et des curricula jusqu’aux manuels scolaires, constituent un second axe transversal. Il inclut tant les finalités éducatives, politiques et sociales que les disciplines et les pratiques sociales de référence dans lesquelles sont inscrites prescriptions et recommandations. Ces recherches examinent souvent le statut scolaire des éducations à. On y retrouve les articles déjà cités. Certains analysent plus particulièrement les prescriptions : leurs convergences, leurs ambiguïtés, leur flou voire leurs contradictions ; c’est ce que font Zwang et Girault pour l’éducation au développement durable, en confrontant les cadrages institutionnels et leur traduction dans des prescriptions de différents niveaux. Remoussenard met en perspective la distinction et parfois même la confusion entre « esprit d’entreprendre » et « esprit d’entreprise », termes qui abordent de façon différente les compétences de prise de risque, d’autonomie et d’initiative : comme des dispositions générales de l’individu ou comme des compétences spécifiques investies dans la création des entreprises. Saab, Berger et El Hage montrent que l’éducation à la santé introduite dans le curriculum libanais de Sciences de la Vie ne correspond pas aux recommandations internationales du fait de la dominante d’une conception biomédicale de la santé et d’une faible prise en compte de la complexité. Barthes et Alpe discutent les effets de l’introduction de l’éducation au développement durable dans les enseignements universitaires, en particulier de la place faite à des enseignements qui ne se réfèrent plus aux disciplines. Drot-Delage, partant de l’informatique, interroge les frontières ou les interactions entre l’éducation à l’information, l’éducation aux TIC et l’éducation aux médias, interrogation qui renvoie aux usages de l’information dans différentes pratiques sociales et scientifiques. L’article de Khzami et alii examine les manuels marocains et conclut à la coexistence d’une information disciplinaire et d’injonctions comportementales.
• Un autre axe de recherche concerne les pratiques mises en place par les enseignants, leurs variations, leur cohérence ou leurs ambiguïtés, les liens avec les partenaires extérieurs à l’école, les modalités de collaboration, les différences observées selon le niveau scolaire et le contexte socioculturel des établissements. Certains articles analysent les difficultés de structuration des pratiques qui passent par des projets, par des déplacements (classe/hors classe) et s’inscrivent dans des durées hétérogènes. Ainsi la recherche menée par Mérini, Victor et Jourdan étudie les enjeux des pratiques dans le domaine de l’éducation à la santé et la citoyenneté, les stratégies adoptées et les questions qu’elles posent aux enseignants. Moreau, Bruguière et Triquet proposent une analyse d’un dispositif et de discours argumentatifs visant à enrôler des enseignants – comme citoyens et comme relais vers l’école – dans un projet porté par une association. Questionner les pratiques en éducations à, et surtout les partenariats, incite à faire une place au contexte local et aux options prises à ce niveau comme le montre l’enquête de Remoussenard en Guadeloupe. A l’inverse, la comparaison avec l’Irlande, où une discipline spécifique a été introduite, permet à Simar et Jourdan de montrer la tendance des enseignants à intégrer l’éducation à la santé dans des disciplines déjà constituées.
• Les travaux sur les enseignants, en particulier volontaires et impliqués, se distinguent des précédents – même s’ils peuvent s’enrichir mutuellement – surtout parce qu’ils portent sur les représentations concernant les pratiques, les contenus et les finalités de ces éducations à… et sur les motivations des enseignants. Se rencontre ici le rapport aux disciplines existantes. Albe montre que les visées des enseignants, concernant les nanotechnologies et les nanosciences, dépassent le seul apprentissage scientifique et concernent la compréhension des sciences contemporaines, l’engagement en sciences, l’éducation à la citoyenneté, l’apprentissage du débat et la culture informationnelle. L’article de Léal et Carnus s’appuie sur l’étude de cas d’un enseignant du primaire qui intègre l’éducation à la santé dans trois disciplines scolaires en se référant à une conception de la santé en termes d’épanouissement personnel et de bien-être mais aussi de prise de conscience de son propre corps et des situations observées autour de soi. Guiet-Sylvain, comme Simar et Jourdan, met en évidence l’importance pour les enseignants du contexte social dans lequel vivent les élèves. Ceci contrebalance le souci d’informer et oriente l’éducation vers les besoins et les questionnements des élèves. Khzami et alii, de leur côté, font état du poids des valeurs morales et des conceptions du genre chez les enseignants marocains en charge de l’éducation à la santé et à la sexualité, et, à l’inverse des autres articles, d’une orientation vers un contenu strictement disciplinaire.
• La formation des enseignants complète cette approche des acteurs avec une vision parfois praxéologique qui touche à l’ingénierie de la formation. C’est cependant un des objets de recherche les moins présents dans les articles, quelle que soit son importance pour la mise en œuvre – l’implémentation diraient les anglophones – des éducations à…. Seul l’article de Cardot-Berger s’y consacre pleinement en proposant une modélisation des dispositifs de formation des enseignants et un outil d’analyse des conceptions des formateurs de l’éducation à la santé. Pourtant Mérini, Victor et Jourdan ou Guiet-Sylvain soulignent la nécessité pour les enseignants de développer des compétences organisationnelles (inventer des actions, les planifier, en négocier le contenu…) et psychosociales auxquelles ils ne sont pas nécessairement formés.
• Enfin toute question d’éducation pose, au moins implicitement, la question des apprentissages des élèves, vue du point de vue des outils d’évaluation des acquis construits à partir de ces activités ou du point de vue de leur motivation et de leur engagement. Or, comme pour d’autres domaines développés aux marges des disciplines, les recherches empiriques sur la nature des apprentissages et le résultat de ces éducations à semblent rares, du moins ici [2]. Seul l’article de Kovacs en fait état, en confrontant les paroles des enseignants et celles de jeunes collégiens qui témoignent de leurs apprentissages mais aussi de leurs souhaits et de leurs interrogations en matière d’éducation au développement durable. La place réduite faite aux apprentissages effectifs questionne celle attribuée aux savoirs par ces recherches : dans quelle mesure l’étude des éducations à comme constructions curriculaires, très présente dans ce numéro, est-elle accompagnée par un questionnement sur les conditions qui génèrent leur construction sociale et épistémique ? Dans quelle mesure cette construction est-elle abordée en lien d’une part avec le cadre conceptuel et épistémologique des disciplines scolaires (Tutiaux-Guillon et Vergnolle Mainar 2009) et d’autre part, avec l’expérience sociale des élèves ? Cette dernière question rejoint celle de l’explicitation des savoirs scolaires dans le cadre des éducations à et plus généralement de l’approche par compétences dans une perspective didactique (Cauterman et Daunay 2010) ou sociologique [3]. A moins encore qu’il ne faille voir dans cette absence une difficulté méthodologique à mettre au jour des résultats d’apprentissages qui dépassent le cadre scolaire – ou encore une ambition que concrétiseront des travaux ultérieurs.

Soulignons que les investigations sur les éducations à… renvoient à une pluralité de cadres théoriques et méthodologiques, ce qu’illustre la liste de ceux qui sont implicitement ou explicitement revendiqués par les auteurs de ce numéro : didactique curriculaire et didactique disciplinaire, sociologie des organisations et approche systémique, sciences de l’information et de la communication, psychologie ergonomique, approche clinique, approche historique et sociologique… Par là ce numéro voudrait inciter à un certain dialogue disciplinaire.

QUESTIONS DE RECHERCHE ETFLEXIONS PARTAGÉES
Au-delà de la grande diversité apparente des contributions, des interrogations, des questions de recherches, des réflexions se font écho d’un article à l’autre. Nous en pointons ici quelques-unes.
Selon plusieurs auteurs, il est essentiel de situer les éducations à… dans le contexte scolaire et dans les enjeux sociaux de la scolarité – au-delà de leurs propres enjeux. Ainsi Lebeaume en situe l’introduction dans le contexte de prolongation effective de la scolarité obligatoire et du passage des enseignements qui répondent aux « urgences des premiers temps » (Berger) à des actions éducatives censées développer à long terme des compétences psychosociales. Il questionne la prolifération contemporaine des éducations à… et des « contributions disciplinaires » qui s’appuient sur des contenus scientifiques tout en orientant l’action et en répondant à des enjeux sociaux, comme un possible retour aux « éducations d’urgence » adaptées aux besoins de notre temps. Nourrison et Parayre montrent de leur côté comment l’évolution de la place de la santé à l’école est inscrite dans le contexte social des différents ordres d’enseignement. Dans une certaine mesure la sensibilité des enseignants aux conditions de vie de leurs élèves et leur choix d’objectifs adaptés aux urgences sociales peut faire écho à ces réflexions (Léal et Carnus, Guiet-Sylvain, Simar et Jourdan). Les enjeux éducatifs visant l’amélioration de la santé et de la vie priment ainsi sur d’autres qui sont eux prescrits par l’institution. Du même coup c’est l’articulation de l’information et des visées comportementales ou éthiques qui est examinée.
Les travaux qui étudient les relations entre disciplines instituées et éducations à soulignent les tensions et les interdépendances entre normes sociales, acquisition des savoirs et engagement des élèves. Albe signale que les enseignants considèrent des contenus éducatifs relatifs aux nanosciences et nanotechnologies en prolongement des contenus des disciplines scientifiques. Elle conclut de façon plus générale que l’entrée dans la controverse par les concepts et méthodes des disciplines des sciences de la nature trahirait les conclusions des recherches dans le champ, qui envisagent plutôt les articulations possibles avec les éducations à et notamment l’éducation à la citoyenneté à l’information et au débat. Barthes et Alpe ou Moreau, Bruguière et Triquet mettent en évidence les risques encourus dès lors que le militantisme légitime les interventions en formation aux dépens des références scientifiques. Dans le domaine de l’éducation à la santé, les articles de Saab, Berger et El Hage pour le curriculum libanais et de Khzami et alii pour celui du Maroc montrent non seulement l’influence des valeurs sociales et religieuses mais aussi la difficulté à se détacher d’une approche biomédicale et positiviste fortement marquée par des traditions scolaires. D’autres tensions peuvent tenir aux hésitations entre projet d’autonomie et souci de produire rapidement des effets – et donc discours injonctif. Nourrisson et Parayre s’interrogent : le principe d’éducation, qui suppose du temps et de l’initiative n’est-il pas bousculé par le principe de prévention ? La question se retrouverait analogue dans les articles sur l’éducation au développement durable. La tension sous-jacente est celle d’une société où la crainte et la prévention des risques peuvent mettre à mal les exigences de liberté personnelle et d’autonomie intellectuelle.
Ces tensions se révèlent aussi au niveau des pratiques. Leur étude montre les difficultés des enseignants pour s’emparer pleinement des préconisations officielles (montage de projets, relation de partenariats, multi-disciplinarité). L’organisation de pratiques qui débordent le cadre scolaire et nécessitent des coordinations spécifiques a suscité une attention particulière des chercheurs. L’article de Remoussenard, ciblé sur une éducation à spécifique et encore inégalement effective, soulève pourtant des questions récurrentes : dispositif qui fonctionne aux marges du système éducatif et qui semble difficile à généraliser, difficultés de collaboration avec des partenaires hors de l’école, tensions sur les positions à adopter concernant la relation de l’école avec le monde extérieur et notamment les entreprises. Mérini, Victor et Jourdan indiquent que la continuité et la cohérence des pratiques aussi bien quand il y a changement d’espace (classe/hors classe) que quand il y a changement de personnes (enseignant/animateur partenaire) préoccupent les enseignants. La place des temps d’éducation informelle et des actions concrètes est questionnée par Simar et Jourdan – mais aussi d’une autre façon par Barthes et Alpe ou Moreau, Bruguière et Triquet. C’est bien la « forme scolaire » qui est ici en cause, ce qui est aussi souligné par l’analyse des paradigmes pédagogiques qui caractérisent traditionnellement les disciplines (Tutiaux-Guillon 2011). S’ajoute ici la question de l’autorité de l’enseignant (Léal et Carnus) en particulier face aux partenaires associatifs et militants.
Au final, les articles de ce numéro posent, souvent implicitement, les questions de la légitimation des éducations à – entre projet social et projet de savoir – auxquelles nous ajoutons celle des modèles de citoyenneté qui sous-tendent les prescriptions. Le passage du citoyen à l’acteur économique est particulièrement net pour l’éducation au développement durable comme le montrent Zwang et Girault d’une part, Barthes et Alpe d’autre part. Les rapports entre citoyen, consommateur et producteur sont souvent l’arrière-plan des investigations, tout comme le rapport aux autres et au monde (Mérini, Victor et Jourdan). Dans le domaine de la santé les recherches montrent que les pratiques se situent en équilibre entre un questionnement sociologique concernant la santé comme une construction marquée socialement (Nourrisson et Parayre) et un questionnement psychologique concevant la santé comme une construction personnelle de rapport à soi et à son corps, tant du côté des élèves que de l’enseignant (Léal et Carnus).
Ces réflexions conduisent aux trois principes fondamentaux de l’ensemble des éducations à cités par Lebeaume, par référence à Lange : empowerment (appropriation de son pouvoir de contrôle), accountability (responsabilité) et commitment (engagement), et auxquels l’article de Remoussenard fait écho en montrant la place de la prise de risque, de la responsabilité et de l’engagement dans l’éducation à entrepreneuriat. Cette accentuation de la responsabilité personnelle de l’individu et de son pouvoir de contrôle marque-t-elle l’absence d’une approche politique des problèmes abordés dans les éducations à… ? C’est le regard des chercheurs qui met en évidence les questions posées par les usages sociaux des savoirs ou les projets politiques sous-jacents aux prescriptions d’éducations à… – restituant ainsi une dimension sociopolitique à ce qui semble dans les pratiques marqué plus nettement par les personnes (enseignants, élèves, militants, etc.). Au final, entre prescriptions et mises en œuvre, la question reste ouverte : quel système économique, quel monde politique, quelle société sont en jeu dans ces éducations à… ?

Maria PAGONI
Université Lille – Nord de France
Université Charles de Gaulle – Lille III
Théodile-CIREL EA 4354
Nicole TUTIAUX-GUILLON
Université Lille – Nord de France
IUFM, université d’Artois
Théodile-CIREL EA 4354

Bibliographie

Albe V. (2008) « Pour une éducation aux sciences citoyenne. Une analyse sociale et épistémologique des controverses sur les changements climatiques » – Aster 46 (45-70).
Audigier F., Fink N., Freudiger N. & Haeberli Ph. (éds.) (2011) « L’éducation en vue du développement durable : sciences sociales et élèves en débat » – Cahiers de la Section des Sciences de l’Éducation 130.
Cauterman M.-M. & Daunay B. (2010) « La jungle des dispositifs » – Recherches 52 (9-23).
Lange J-M & Victor P. (2006) « Didactique curriculaire et “éducation à… la santé, l’environnement et au développement durable” : quelles questions, quels repères ? » – Didaskalia 28 (85-100).
Lebeaume J. & Pavlova M. (2009) « Éducation au développement durable et éducation technologique : problèmes d’existence en Australie et en France » – in : École(s) et culture(s) : Quels savoirs ? Quelles pratiques ? Symposium international, Université Lille III (CD-ROM).
Legardez A. & Simonneaux L. (coord.) Développement durable et autres questions d’actualité. Dijon : Éducagri éditions.
Pagoni M. (2009) « La participation des élèves en questions. Travaux de recherche en France et en Europe » – Carrefours de l’Éducation 28 (123-149).
Revue Suisse des Sciences de l’Éducation (2010) 32, 2 Enjeux didactiques et citoyens de l’éducation en vue du développement durable.
Tutiaux-Guillon N. & Vergnolle Mainar C. (2009) « L’histoire au défi de l’éducation au développement durable » – in : Curriculums en mouvement, acteurs et savoirs sous pressions. Enjeux et impacts. Colloque international des didactiques de l’histoire, de la géographie et de l’éducation à la citoyenneté, Lausanne (CD-ROM).
Tutiaux-Guillon N. (2011) « Le développement durable en France. Suffit-il de prescrire une question vive pour qu’elle existe à l’école ? » – in : A. Legardez et L. Simonneaux (coord.) Développement durable et autres questions d’actualité (215-230). Dijon : Éducagri éditions.

Spirale – Revue de Recherches en Éducation – 2012 N° 50 (3-10)


[1Pour le monde francophone, par exemple le numéro 32 de 2010 de la Revue Suisse des Sciences de l’Éducation consacré à cette thématique, ainsi que les ouvrages collectifs coordonnés par Legardez et Simonneaux en 2011 et par Barbara Bader et Lucie Sauvé en 2012 (Éducation, environnement et développement durable : vers une écocitoyenneté critique, Sainte Foy : Presses de l’Université Laval). Depuis 1998, la revue canadienne Éducation Relative à l’Environnement : Regards – Recherches – Réflexions se consacre à des thèmes proches.

[2Voir à ce propos les analyses effectuées par l’équipe ERDESS, à Genève, sur les difficultés des élèves à construire et/ou à mobiliser les concepts proposés par les enseignants dans des situations de débat concernant le développement durable (Audigier, Fink, Freudiger et Haeberli 2011).

[3En s’appuyant sur l’ouvrage de Bernstein traduit en français en 2007, Bautier soulève la question des inégalités d’apprentissage des élèves devant des tâches scolaires qui ne sont pas reliées à des savoirs explicitement formulés. Voir : Bernstein B. (2007) Pédagogie, contrôle symbolique et identité : théorie, recherche, critique (trd. par C. Ramognino Le Deroff et P. Vitale). Sainte Foy : Presses de l’Université de Laval ; Bautier É. (2008) « Socialisation cognitive et langagière et discours pédagogique. Analyser le discours pédagogique pour comprendre les inégalités sociales à l’école » – in : D. Frandji et P. Vitale Actualité de Basil Bernstein. Savoir, pédagogie, société (133-150). Rennes : PUR.